HISTORIQUE
Qu’est ce que l’histoire nous apprend sur les incendies ? De quels moyens l’homme s’est-il doté au cours de l’histoire afin de lutter contre ce phénomène ?
Autant de questions auxquelles nous tentons de répondre au sein de ce chapitre.
DE L’ANTIQUITE AU MOYEN-AGE
Dès l’antiquité, des incendies ravageurs nous sont rapportés par les vestiges d’antan.
En -1184, la ville de Troie est détruite à de multiples reprises par des incendies consécutifs à des guerres ou à des séismes
AU MOYEN-AGE
Au cours du moyen-âge, les incendies sont monnaies courantes et ont bien souvent des conséquences dévastatrices du fait des matériaux utilisés pour la construction des édifices et l’absence totale d’organisations et de moyens propices à l’extinction. De nombreuses villes sont ravagées à de multiples reprises : Bourges, Nantes, Chartres, Venise, Rouen, Liège, Reims, Londres, Marseille, Strasbourg, Munich, Toulouse, etc. La seule méthode utilisée pour confiner les incendies est celle de la « sape » où l’ont détruits les bâtiments voisins non-encore enflammés afin d’éviter la propagation aux autres tiers.
Du 16ème au 19ème siècle
Autant d’incendie poursuivront leurs actes destructeurs entre le 16° et 19° siècle…
Ravage de la ville de New-York (1/3 détruit ), incendie de La Nouvelle-Orléans en 1794 où le feu ravagea une grande partie du sud-ouest de la ville à peine reconstruite et détruisit 212 habitations. À la suite de cette nouvelle catastrophe, un règlement d’urbanisme imposa la brique en remplacement du bois pour les maisons à étage, et les tuiles pour les couvertures ; incendie de Bulle (Suisse ) dont la reconstruction dura plus d’un demi-siècle. Les incidents sont répertoriés par milliers.
Zoom sur l’incendie de l’Ambassade d’Autriche
Cet article décrit le déroulement et les conséquences de cet incendie meurtrier qui eut lieu à l’ambassade d’Autriche à Paris le 1er juillet 1810 alors que s’y déroule une importante soirée. Cette soirée faisait partie des festivités organisées par le prince de Schwarzenberg, pour célébrer l’union de Napoléon Ier avec la jeune archiduchesse Marie-Louise.
Le récit de cette nuit, où était présent le couple impérial et de nombreux membres de la noblesse européenne, fut rapporté avec minutie dans les Mémoires du général Lejeune et celles de Constant, valet de Napoléon Ier .
AVANT LA FÊTE
La fête a été préparée avec soin : une salle provisoire est construite dans les jardins de l’ambassade d’Autriche, par l’architecte Bénard, et doit permettre la réception de plus de douze
à quinze cents invités. La salle recouvrait le bassin, les parterres et les allées du jardin. Pour mieux protéger les convives d’une pluie éventuelle, les planches constituant le toit étaient recouvertes, en dessous de toile
cirée et au-dessus de toile goudronnée pour les rendre imperméables à la pluie qui était annoncée. Et pour que tout soit prêt dans les délais, les peintures qui recouvrent les murs de la salle contiennent de l’alcool
, ce qui leur permet de sécher plus rapidement. Tout est somptueux, mais… hautement inflammable.
La décoration était sophistiquée : des rideaux de soie et de mousseline pendaient aux fenêtres. Sur les murs, on avait fixé des glaces de Saint-Gobain et des demi-lustres en appliques, des girandoles diffusant une clarté éblouissante. La lumière se répétait à l’infini. Des festons
, des guirlandes de mousseline et de gaze, de fines étoffes couraient tout autour de la salle. Des fleurs
artificielles étaient accrochées partout. L’éclairage est réalisé par un immense lustre
dominant la salle de bal et soixante-treize autres lustres de bronze massif chargés chacun de quarante
bougies étaient suspendus au plafond.
Quarante-huit heures avant l’événement, on eut l’idée d’en prévenir le chef du service des gardes-pompes, le colonel Ledoux. Ce dernier vint sur les lieux faire son inspection
de sécurité. Après sa visite, il prit la décision de ne poster que deux sous-officiers, quatre garde-pompes et deux pompes à bras pour le soir du bal. Pour ne pas alerter, par une présence trop ostensible des moyens de « lutte incendie », d’un éventuel danger qui aurait pu inquiéter les personnalités présentes à ce bal, il les fit placer dans la cour située en face. Pour prévenir tout accident extérieur, des sentinelles seraient placées aux alentours, et pour assurer la sécurité des invités, des commissaires de police et des officiers de paix se mêleraient à la foule des danseurs. Ses dispositions prises, le colonel Ledoux partit à la campagne pour le week-end, avec le sentiment du devoir accompli, sans
toutefois en solliciter l’autorisation du préfet de la Seine comme il aurait dû le faire.
Avant l’arrivée des premiers convives, l’intendant du prince parcourut une dernière fois la salle du bal et par mesure de sécurité prit l’initiative de faire éteindre toutes les bougies qu’il jugeait trop proches des rideaux des fenêtres.
LE BAL PUIS LE DRÂME
L’élite politique, militaire et diplomatique de Paris et de la province est conviée. On a lancé 1 500 invitations ; 2 000 ont répondu. Dès 20 heures, les invités emplissent la salle et les jardins. L’hôtel de l’ambassadeur est magnifiquement illuminé, tout est profusion de lumière, tout est luxe et élégance. Les souverains arrivent au son des fanfares, vers 22 h 15. Ils saluent tous les invités dans la salle de bal, puis tout le monde descend dans le jardin pour assister à la fête champêtre. Danseurs de l’Opéra, chanteurs font des prouesses et les feux
d’artifice sont brillants.
Comme on pouvait s’y attendre, une pièce du feu d’artifice a mis le feu dans un lambeau d’étoffe au coin extérieur de la galerie dans le jardin. Discrètement, l’architecte Pierre-Nicolas Bénard fait donc entrer les pompiers dans les jardins de l’ambassade. Discrètement, les gardes-pompes interviennent avec célérité et ce début d’incendie est éteint sans que personne ne s’aperçoive de rien.
À 23 h 30, la fête bat son plein lorsqu’une bougie d’un des lustres près de la porte du jardin vint à couler
et mit le feu à la draperie.
Le comte Dumanoir, se précipite et monte sur une banquette pour arracher la draperie, mais le feu a déjà gagné la gaze ornant le plafond et, désormais, il court le long de la galerie. Le colonel de Tropbriant s’élança d’un bond pour l’arracher. Ce mouvement brusque de la draperie étendit la flamme, et en moins de trois secondes, dans cette salle peinte à l’alcool pour la faire sécher plus promptement, et fort échauffée par le soleil de juillet, mais bien plus encore par la quantité
considérable de bougies, la flamme s’étendit d’un bout à l’autre du plafond avec la rapidité de l’éclair et le bruit d’un roulement de tonnerre. Tous les assistants furent à l’instant même sous une voûte de feu.
Plusieurs danseurs même ne savaient encore à quoi attribuer l’augmentation de lumière et de chaleur
, et chacun d’abord se dirigeait, sans courir, vers l’issue du jardin, croyant avoir le temps d’éviter le danger. L’ambassadeur et tous les officiers de la légation d’Autriche quittent également l’ambassade.
Cependant, en quelques secondes, la chaleur devint insupportable ; on pressa le pas et l’on marcha sur les robes, ce qui occasionna un encombrement
de personnes renversées sur les marches du jardin. Des lambeaux enflammés, tombés en même temps du plafond, brûlaient les épaules et la coiffure des dames; les hommes, même les plus forts, étaient entraînés dans la chute, et leurs vêtements prenaient feu. Le mouvement
de fouleDeux des trois issues sont la proie des flammes et la seule voie de secours vers le jardin, se transforme en goulot
d’étranglement.
La foule, qui se pressait et s’étouffait elle-même par ses propres efforts, contribuait à l’horreur de cette scène ; le
parquet de la salle ne put résister aux secousses, il s’entrouvrit, et de nombreuses victimes furent écrasées ou dévorées par le feu. Les femmes aux épaules et aux nuques dénudées sont plus vulnérables que les hommes. Chevelures et toilettes prennent feu. Dans la bousculade, des hommes et des femmes sont piétinés. L’Empereur, en chef de guerre, dirige les secours, son habit est sali et ses chaussures brûlées par les braises qui jonchent le sol Le sinistre est maîtrisé vers quatre heures du matin.
LES SECOURS
Postés à l’extérieur, les gardes pompiers tentent d’accéder à la salle mais ne peuvent remonter le flot
des convives paniqués qui descendent. Les sauveteurs se montrèrent peu efficaces. Napoléon, qui faillit être victime de ce sinistre, constate l’absence
d’organisation des gardes pompes et surtout l’absence totale de commandement et de coordination
. Rassembler ces pompiers, peu assidus et sans entraînement, nécessite deux à trois heures avant qu’ils ne soient opérationnels sur les incendies.
Un arrêté consulaire de 1801 avait déjà remanié le corps des pompiers de Paris dont la création datait donc de Louis XV. Ces 293 « gardes-pompiers » devaient être choisis, non plus parmi des volontaires, mais parmi ceux qui exerçaient un métier pouvant les rendre aptes à ce service, comme des menuisiers. Répartis en trois compagnies, ils étaient casernés. Ce remaniement n’avait pas été suivi d’effet, et le Premier Consul n’avait pas veillé à la bonne exécution de ses ordres.
L’enquête établit que « le corps n’étant pas militaire, les ordres ne furent exécutés que très imparfaitement ». L’instruction déchargea les six pompiers présents sur les lieux. Cependant les conclusions de cette enquête firent ressortir que l’organisation du corps des gardes-pompes faisait l’objet de constatations consternantes : disciplines
quasi absentes, peu d’entraînement, personnels non motivés, encadrement d’une rare médiocrité.
Les enquêteurs démontrèrent en revanche que les pompiers n’étaient pas ivres au moment des faits, comme l’Empereur l’avait d’abord supposé, et qu’à aucun moment ils n’avaient abandonné leur poste. Bien mieux, après le premier incendie, qu’ils avaient parfaitement maîtrisé, trois d’entre eux, d’initiative, restèrent postés dans le jardin, avec une pompe, des éponges et des seaux. Pourtant, ils ne sauront pas intervenir à temps ni anticiper le drame et, au moment de leur réaction, la seule issue praticable leur était fermée par le flot des fuyards éperdus. Les trois autres étaient trop loin pour intervenir. L’accusation d’ivresse perdurera, malgré l’enquête qui les disculpe.
LES CONSEQUENCES
L’architecte Pierre-Nicolas Bénard, à qui on reproche de ne pas avoir attiré l’attention sur la fragilité
de sa salle de bal mobile au vu du nombre des invités, et qu’on soupçonne d’avoir construit un édifice
trop fragile et d’avoir volontairement relégué les gardes pompiers sera incarcéré. Relaxé, mais de réputation perdue, il sera privé d’emploi.
Le colonel Ledoux, commandant en chef des gardes pompiers, s’est absenté de Paris sans l’autorisation
du préfet de la Seine. Il avoue n’avoir pas pris la peine de se faire remplacer ni de prévenir son adjoint. Napoléon le destitue, homme âgé qui était en service depuis 1767 et qui manquait totalement d’autorité. Tous ses adjoints ne valaient pas mieux que lui et furent également licenciés. Le chef de corps des pompiers est mis à la retraite, ainsi que l’ingénieur Six.
En revanche, le sous-ingénieur des gardes-pompes Audibert, dont l’enquête révèle qu’il est absent du corps depuis trois ans, est emprisonné, destitué et licencié sans droit à pension.
Marqué par ce dramatique incident, l’Empereur, limoge le préfet de police, à qui il reproche l’absence de la capitale au moment des faits. Il est plus juste de penser qu’il a été destitué à cause des pillages qui ont suivi la tragédie.
Il le remplace par le conseiller Pasquier qui est chargé, en collaboration avec le ministre de l’Intérieur, de trouver une nouvelle organisation pour remplacer l’institution du service d’incendie. Dans ses mémoires, Pasquier décrit un recrutement corrompu. De nombreux jeunes gens de condition aisée ne sont inscrits sur le registre du corps que pour être exemptés du service de la milice. Fort peu soucieux de s’exposer aux risques et aux fatigues du service des incendies, la plupart préfèrent payer les plus anciens, de condition modeste, pour monter les gardes à leur place. Ces derniers y trouvent leur compte mais participent à la dégradation générale du service.
Napoléon créer le bataillon des sapeurs-pompiers de Paris, corps strictement militaire, sous les ordres du préfet de police (il le demeure encore de nos jours), et composé de quatre compagnies de cent quarante-deux hommes.
Sa mission est de stopper, mais également de prévenir les incendies dans la capitale.
Au 19ème et 20ème siècle
En 1884 : Une loi confie aux maires la responsabilité de la sécurité (incendie), ils sont donc chargés des moyens de secours.
En 1897 : L’Incendie du Bazar de la Charité à Paris fait 129 victimes, une lampe à éther d’un projectionniste venant à répandre son contenu sur des matériaux particulièrement combustibles, dans une salle dont le vélum est lui aussi goudronné et les issues de secours mal dimensionnées par rapport à la capacité d’accueil maximale.
En 1911 : L’Incendie de l’usine Triangle Shirtwaist à New York a causé la mort de 146 travailleuses de l’usine de confection et provoqué 71 blessées, essentiellement des femmes. Elles moururent par asphyxie, brûlées vives ou par défenestration. Les gérants avaient fermé les portes de la cage d’escalier et les sorties. L’onde de choc sociale occasionnée par la catastrophe a suscité directement ou indirectement l’émergence de la plus grande œuvre législative à caractère social de l’histoire new-yorkaise et américaine en général, s’agissant notamment de l’amélioration des normes de sécurité dans les usines.
En 1955 : Apparition des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS.
Le 23 Mars 1965 : Création de la première règlementation des Etablissements Recevant du Public.
En 1966 : L’explosion suivie d’un incendie dans l’usine pétrochimique de Feyzin (
Rhône, France) faisant 18 morts – dont 11 pompiers – et une centaine de blessés, endommagea gravement tout le quartier avoisinant. Cette catastrophe est considérée comme la première catastrophe industrielle en France et a permis de mettre au jour le phénomène de Bleve (
explosion de gaz liquéfié sous pression).
En 1969 : Ancien règlement de sécurité des habitations.
Le 1er Novembre 1970 : L’incendie du 5-7 à Saint Laurent du Pont fait 146 morts.
L’incendie du 5-7
Dans la nuit du 31 octobre 1970 au 1er novembre, vers 1 h 40 du matin, alors qu’environ 180 personnes sont présentes dans l’établissement, le sinistre s’est déclaré. Il s’est rapidement propagé
aux décors de la boite de nuit et au mobilier, faits de papier mâché et de polyuréthane. Les sorties de secours
sont fermées, pour éviter les resquilleurs, ce qui force les jeunes à sortir par les tourniquets d’entrées
(qui ne tournent que dans un sens). Lorsqu’une trentaine de personne réussit à s’échapper, l’appel
d’air créé entraine une boule de feu qui traverse tout la discothèque. Les lieux sont dépourvus de téléphone
, un des directeurs de l’établissement, Gilbert Bas, se rend en voiture à Saint-Laurent-du-Pont pour donner l’alerte. À son retour sur les lieux avec les secours, il est déjà trop tard, le feu a déjà englouti le bâtiment.
Le bilan élevé de cet incendie est dû au fait que les sorties étaient condamnées et aux fumées toxiques dégagées par la combustion des décors.
Cet incendie donne son origine de nombreux incontournables de la règlementation incendie, notamment en matière de comportement au feu.
Au 20ème et 21ème siècle
En 1970 : La réglementation commence à s’organiser. Une nouvelle classification des matériaux est créée. C’est l’ancien règlement de sécurité des habitations.
Le 30 Octobre 1973 : Décret constituant le Code de Construction et de l’Habitation.
Le 19 Juillet 1976 : Création de la règlementation sur les Installations Classées Pour l’Environnement.
Le 18 Octobre 1977 : Création de la première règlementation des Immeubles de Grande Hauteur.
Le 25 Juin 1980 : Création de l’actuelle règlementation des Etablissements Recevant du Public.
Le 31 Juin 1986 : Création de l’actuelle règlement de protection des Habitations.
Le 22 Juin 1990 : Création de l’actuelle règlementation des Etablissements Recevant du Public du 2° groupe (
5° catégorie). Les « Petits Etablissements » (PE
).
Le 29 Avril 1992 : La catastrophe de Furiani où l’effondrement de tribunes provisoires cause la mort de 18 personnes et en blesse 2357 autres. Suite à la catastrophe, le ministère de la jeunesse et des sports modifie les règles pour l’homologation des enceintes destinées à recevoir des manifestations ouvertes au public. Une loi régit désormais les équipements en plein air de plus de 3 000 spectateurs ainsi que les équipements couverts de plus de 500 spectateurs.
Le 21 Novembre 2002 / 22 Mars 2004 : : Classement de résistance au feu des produits, éléments de construction et d’ouvrages / Classement de réaction au feu des produits de construction et d’aménagement.
Le 11 Février 2005 : La loi pour l’égalité des chances créer le concept d’accessibilité aux Personnes En Situations de Handicaps (
PESH)dont l’échéance est fixée au 1er janvier 2015 pour les Etablissements Recevant du Public.
Le 2 Mai 2005 : Arrêté régissant l’emploi, les missions et les qualifications des membres du Service de Sécurité Incendie et d’Assistance à Personnes.
Le 30 Décembre 2011 : Nouvelle règlementation des Immeubles de Grandes Hauteurs.